Rubriques de Bertrand GIGNOUX - Bridgeur n° 700 - 15 octobre 1997 | |
Toujours à propos d'hésitation |
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Il faut répéter, sans cesse, que l'hésitation ne constitue pas
une infraction. Au contraire. Si la réflexion était interdite au
bridge, quel serait l'intérêt de ce jeu ? Où serait le plaisir ?
La réflexion est, bien sûr, autorisée.
Ce n'est que lorsque le partenaire de celui qui a hésité enchérit
ou joue, qu'une infraction peut avoir lieu. Eventuellement, mais pas
obligatoirement.
Le texte du code relatif à l'information illicite et qui s'applique
donc à l'hésitation précise que:
"Si un joueur rend perceptible à son partenaire une information illicite pouvant suggérer une déclaration ou un jeu, celui-ci ne peut pas, parmi les différentes possibilités logiques d'action, en choisir une qui aurait pu raisonnablement avoir été suggérée, plutôt qu'une autre, par cette information illicite". |
Que faire lorsque, après hésitation d'un adversaire, le partenaire de celui-ci agit en ayant pu, selon vous, tirer profit de cette hésitation ?
Le mieux est de vous mettre d'accord avec vos adversaires sur un seul point : il y a eu hésitation.
Sa nouvelle tâche consistera à déterminer l'information
transmise par l'hésitation et à décider si, parmi les différentes
possibilités logiques d'action, le partenaire en a choisi une qui
aurait pu raisonnablement avoir été suggérée par cette hésitation.
Dans ce cas, il attribuera une marque ajustée. Il maintiendra le
score obtenu, dans le cas contraire.
Quelques exemples :
Sud possède :
Nord donneur, après longue réflexion, ouvre d'1 SA. On peut parier qu'il ne possède pas 16 points d'honneurs dans une main 4-3-3-3. Peut-être a t-il une majeure cinquième, une mineure sixième, voire septième, une distribution 5-4-2-2, un singleton. Seul Nord le sait. Est passe. Sud dit 3 SA. |
Quel que soit le score obtenu sur cette donne, il sera maintenu. Sud n'a tiré aucun avantage de l'hésitation, n'en a tenu aucun compte. Il a enchéri comme n'importe quel autre joueur possédant sa main. En revanche, toute autre action que 3 SA éveillera la suspicion de l'arbitre, qui déclenchera le début d'une enquête.
2ème exemple, fourni par la revue américaine "Bridge World"
Personne vulnérable. Nord donneur
* Après deux minutes de réflexion. Dans le système de la paire Nord-Sud, un éventuel contre à ce stade serait punitif. |
L'hésitation est reconnue. Le jeu se poursuit avec un résultat de 4 Piques juste fait. Arrivée de l'arbitre. Quelle sera son attitude, selon que Sud détiendra l'un des trois jeux suivants ?
a. |
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b. |
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c. |
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Sans hésitation, l'enchère de 4
est raisonnable,
- ...quelquefois gagnante : l'adverse peut gagner 4 Cœurs, la défense
à 4 Piques étant profitable. La manche peut même gagner dans les
deux lignes.
- ...quelquefois perdante: la chute à 4 Piques contré pourrait être
très lourde, pendant que l'adversaire de son côté, chute 4 Cœurs.
Crème renversée.
Mais, après hésitation, comme dans le cas précédent, la présence
de trois cartes à Cœur permet à l'arbitre de tenir le même
raisonnement : le partenaire n'envisage pas de contre punitif, passe
est une possibilité logique d'action.
L'enchère de 4
peut "raisonnablement avoir été suggérée par cette hésitation".
Rappelez-vous la Loi 73 C :
"Quand une information non autorisée est accessible à un joueur par suite (...) d'une hésitation du partenaire, il doit soigneusement éviter d'en tirer un quelconque avantage pour son camp. |
Le score sera, là aussi, ajusté comme dans le cas b.
Imaginons que, dans ce dernier exemple, le camp Est-Ouest puisse réaliser
dix levées à l'atout Cœur. Le score de 420 Nord-Sud sera transformé
en 420 Est-Ouest.
Ces décisions sont souvent, vous le constatez, extrêmement
spectaculaires et quelquefois très mal acceptées.
Les exemples cités dans cet article sont relativement simples. La réalité
est souvent plus complexe. L'hésitation est un des domaines où
l'arbitre, en plus de son rôle de gardien des lois, redevient un
joueur de bridge et doit exercer son jugement.
Accordez-lui donc la possibilité de penser différemment de vous.
Demandez-lui éventuellement un complément d'explications. Il devrait
se faire un plaisir de vous les donner. En dernier recours, faites
appel de sa décision. Une commission, composée d'arbitre(s), afin
que la loi soit respectée, et de joueurs, examinera votre requête.
Lors d'un prochain article, nous aborderons les problèmes liés
aux "agréments entre partenaires" (Loi
75).
Que se passe-t-il lorsqu'un adversaire vous donne une explication
erronée de l'enchère de son partenaire (fausse explication), ou
lorsque votre adversaire produit une enchère non conforme à son système,
mais correctement expliquée par son partenaire (fausse déclaration) ?